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Une salariée juriste en droit social dissimule son statut protecteur et vicie sa rupture conventionnelle

Cour d’appel de Versailles, 1er octobre 2025, n° 23/02254

La cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 1er octobre 2025, précise les conséquences attachées à une rupture conventionnelle conclue avec une juriste protégée contre le licenciement ayant sciemment suivi la procédure d’homologation en lieu et place de la procédure d’autorisation administrative.

Une salariée, juriste en droit social et disposant d’un mandat de conseillère prud’homale, engage un processus de rupture conventionnelle avec son employeur, dans un contexte de réflexion sur un projet de réorganisation interne.

Compte tenu de ses compétences juridiques, elle assure le processus elle-même.

Elle choisit le formulaire de rupture conventionnelle ordinaire et :

  • Fait homologuer cette rupture par la DREETS ;
  • Alors qu’elle aurait dû en solliciter l’autorisation par l’inspection du travail, en raison de son statut protecteur.

Postérieurement à la rupture, la salariée découvre que le projet de réorganisation interne a finalement été abandonné. Dans ces circonstances, elle saisit la juridiction prud’homale pour obtenir l’annulation de la rupture conventionnelle sur le terrain de l’absence d’autorisation de celle-ci par l’inspection du travail.

La Cour d’appel rappelle d’abord que lorsqu’un salarié est titulaire d’un mandat de conseiller prud’homal, il bénéficie du statut protecteur, de sorte que la rupture conventionnelle doit donc préalablement autorisée par l’inspection du travail.

La rupture intervenue sur la seule base d’une homologation est donc nulle
Par ailleurs et malgré la connaissance par l’employeur du statut protecteur de la salariée, la cour d’appel retient une réticence dolosive de la part de celle-ci, au sens de l’article 1137 du Code civil.

En tant que juriste en droit social, la salariée a sciemment choisi le formulaire CERFA relatif à la simple homologation de la rupture conventionnelle, applicable aux salariés ne bénéficiant pas du statut de salarié protégé, et non la procédure de demande d’autorisation administrative.

Cette démarche avait pour but d’obtenir une rupture conventionnelle plus rapidement, sans passer par le contrôle, potentiellement plus long, de l’inspection du travail, dans la mesure où elle avait déjà trouvé un autre emploi.

Cette dissimulation a vicié le consentement de l’employeur.

L’annulation de la rupture conventionnelle est donc prononcée pour vice du consentement de l’employeur. En conséquence, la rupture produit les effets d’une démission, conformément à une jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. soc., 19 juin 2024, n° 23-10.817).

La salariée doit restituer l’indemnité perçue et verser l’indemnité de préavis.

Par cette décision, la Cour d’appel s’inscrivant dans une logique civiliste du droit des contrats, rappelle qu’un vice du consentement entraîne la nullité de l’acte, ici, la rupture conventionnelle, et que les conséquences dommageables pèsent sur l’auteur du vice, en l’espèce la salariée.